Charlie enchaîné

Une revue de presse de Charlie Hebdo et du Canard enchaîné.
Et un peu plus.

Accueil du site > Canard Actu > Perquisition au « Canard enchaîné » : la version du journal

Clearstream

Perquisition au « Canard enchaîné » : la version du journal

vendredi 18 mai 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : lundi 24 septembre 2007

Le « Canard », deux mois et demi après avoir sorti l’affaire de l’appartement de Sarkozy, se retrouve à nouveau sous les feux médiatiques. Mais cette fois, à son insu, puisque c’est un juge du pôle financier qui lui a rendu visite, sous les yeux de nombreux journalistes venus à sa rescousse.

Dans son édition du 16 mai 2007, l’hebdomadaire satirique se fait un malin plaisir à commenter la tentative de perquisition du juge Cassuto. Il lui consacre en effet toute sa page 3, ainsi qu’un éditorial salé en une (sur laquelle on peut lire en encadré : « Perquisition ratée au “Canard” Le juge y a... laissé des plumes ! »), à quoi s’ajoutent plusieurs dessins disséminés à travers ce numéro 4516.

Éditorial à charge

L’édito, intitulé « La politique du pitre », explique que « le juge cherchait à savoir qui a communiqué [au journal] le procès-verbal d’audition du général Rondot, entendu dans l’affaire Clearstream », comme le relatait la plupart des médias dès le vendredi 11 mai 2007 par l’intermédiaire de leurs sites Internet [1]. L’hebdomadaire explique que le juge cherchait ainsi à identifier la source qui l’avait informé. Or « la protection des sources est (...) le premier devoir des journalistes » insiste l’éditorial. L’affaire du Watergate et de son informateur, Deep Throat, est cité en exemple.

Le « Canard » enfonce un peu plus le clou en brandissant l’argument de l’indépendance : « il n’y a pas d’information, pas de presse libre sans protection des sources. » Ce principe est d’ailleurs la « pierre angulaire de la liberté de la presse », d’après la Cour européenne des droits de l’homme, derrière laquelle s’est abrité « Le Canard enchaîné », qui « se moque des initiatives du juge Cassuto » car celui-ci « se retranche derrière le droit français, encore en retard d’une liberté. » L’analyse (« il faut avouer qu’au bout du compte nous nous sommes bien amusés ») se conclut donc ainsi : « Tant que la loi française ne sera pas un peu plus sérieuse, il n’y aura aucune raison de ne pas lui répondre par de salutaires pitreries. »

Manipulation d’Etat ?

Le « Canard » consacre donc une page entière à cette perquisition avortée et en raconte « le film en V.O. ». Tout d’abord en s’interrogeant sur « le sens de l’équipée » des juges Thomas Cassuto et Françoise Desset. En effet, conscient qu’une enquête pour « violation du secret de l’instruction » était ouverte dans l’affaire Clearstream, l’hebdo satirique avait « procédé à un ménage soigneux » et l’avait clairement signalé dans son édition du 17 mai 2006, soit il y tout juste un an.

La première hypothèse émise par le journal s’appuie sur un échange de fax effectué entre le cabinet de l’avocat de Sarkozy, où la juge Desset se trouvait le matin du 11 mai 2007, et les bureaux du « Canard » que le juge Cassuto tentait de perquisitionner au même moment : « les magistrats suggèrent (...) que le nouveau président a pu monter une manœuvre contre Chirac, en nous faisant passer un document compromettant sur son compte bancaire au Japon. » Mais le journal ne semble pas vraiment convaincu par cette « opération politique (...) énorme », et penche plutôt pour un « coup de chaud de deux “petits juges” qui voudraient devenir grand », qualifié de « piste de la sottise » non négligeable.

Fax farceur

À propos de l’échange de fax, le « Canard » raconte une bonne blague. Le juge Cassuto « s’est fait envoyé depuis le télécopieur du cabinet de Thierry Herzog [l’avocat de Nicolas Sarkozy] (...) trois pages de procès-verbaux extraits du dossier Clearstream. » Il s’agit en fait de documents qui ont servi aux révélations du « Canard enchaîné ». Les juges s’appuyaient sur des relevés de France Telecom montrant que des fax avaient été envoyés en mai 2006 depuis le cabinet de l’avocat vers le journal.

Malheureusement pour eux, « les magistrats ont constaté que la durée [d’émission] était différente », or elle aurait dû être identique dans les mêmes conditions. L’hebdomadaire se gausse de ces « investigations utiles à la manifestation de la vérité ». En effet le télécopieur utilisé pour l’expérience « n’était pas là en mai 2006 ».

Solidarité journalistique

C’est Louis-Marie Horeau qui raconte l’« état de siège au “Canard” » dans la matinée du 11 mai 2007. Le juge Cassuto est arrivé « peu après 9 heures au siège du [journal] (...) accompagné d’une demi-douzaine de policiers, d’un substitut du procureur représentant le parquet et de sa greffière. » Mais il n’est « pas question de laisser le juge entrer dans les bureaux. » Les trois « infortunées » secrétaires de l’hebdo, seules présentes, résistent tant bien que mal aux pressions du magistrat, « pas dupe » lorsqu’elles affirment qu’elles n’ont pas les clés de la salle de rédaction.

Une demi-heure plus tard, le siège du « Canard enchaîné » voit arriver les premiers journalistes, ceux de l’hebdomadaire satirique (qui « ont tous oublié leur clé du deuxième ! »), ainsi que « les confrères des radios, télés et journaux » (« qu’ils en soient tous remerciés ! »). Les responsables du journal refusent d’ouvrir la porte au magistrat pour une perquisition qu’ils jugent « illégale ». Et grâce à « l’arrivée massive de toute la presse, (...) la pression change de camp. » Finalement, le juge Cassuto repartira après midi « bredouille » et « penaud » avec l’aide des agents de police, après avoir menacé de faire venir un serrurier « fantomatique ».

P.-S.

Dans la rubrique « Canard Plus » du même numéro, cette brève :

Et, pour finir, encore bravo à Jean-Pierre Pernaut, le sympathique présentateur du jité de 13 heures de TF1, qui, vendredi 11 mai, s’est encore brillamment distingué du reste de la presse en ne consacrant pas une seconde à la tentative de perquisition du juge Cassuto au « Canard ». Il est vrai que c’est nettement moins intéressant que la foire au boudin de Mortefougne-sur-Glaise.

Notes

[1] Voir par exemple liberation.fr, lemonde.fr, lefigaro.fr, etc..


Commenter cet article





Suivre la vie du site RSS 2.0 | Plan du site | Espace privé | SPIP | squelette