Radio
mardi 2 juin 2009, par Charlie enchaîné
Guillon a, de mon point de vue, une fonction physique. En me faisant presque toujours honte de l’écouter (on est responsable de ce qu’on accepte de supporter), il me viole : une sorte de proxénète sonore me débourrant à l’éveil, avec mon consentement, avant de me coller sur les trottoirs du monde, où Bernard Guetta viendra bientôt jouer, comme un vieil aveugle, son orgue d’antibarbarie. Bien entendu, neuf fois sur dix j’éteins avant la fin pour rallumer plus tard. Mais, en quelques mots, le mal est fait : me voici défloré. Je pourrais certes ne plus écouter France Inter à cette heure. Mais, outre que je suis un vieil et modeste auditeur de cette station, ce n’est pas parce qu’on me viole que je désire être pur. Il entre une certaine fascination (et une certaine espérance) dans le fait d’écouter un homme s’abaisser et abaisser dans l’essentiel de ce qu’il évoque. Guillon est le bouffon d’une cour dont le roi est l’auditeur. Chaque matin, on se demande : « Jusqu’où ira-t-il ? Jusqu’où le supporterai-je ? Va-t-il quand même me décevoir en bien ? Va-t-il savonner la planche de l’invité ? » Et on écoute pour le savoir. Mais, personnellement, pas plus d’une minute.
« Guillon, stratège et bouffon » (extrait), par Philippe Lançon, Charlie Hebdo n°884, p. 12, 27/05/09.