Charlie enchaîné

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Censure

Quand la commission de classification part braconner

mardi 16 octobre 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : jeudi 18 octobre 2007

« Quand l’embryon part braconner, film de Koji Wakamatsu dont Charlie est partenaire, vient d’écoper d’une interdiction aux moins de 18 ans », écrit Jean-Baptiste Thoret (Censure et pieds nickelés, « Charlie Hebdo » n°799, 10/10/2007). « La ministre de la Culture Albanel a appliqué aveuglément cet avis d’interdiction rarissime la veille de sa sortie », précise David Fontaine (Renvoi de censure, « Le Canard enchaîné » n°4537, 10/10/2007). De fait, la dernière fois qu’une telle décision a été prise par la commission de classification des œuvres cinématographiques remonte à un an, avec ce que J.-B. T. appelle « L’Affaire Saw III ». L’occasion pour les critiques cinéma des deux hebdomadaires satiriques de dire ce qu’ils pensent de cette institution ayant pour mission de « protéger les enfants et les adolescents des impacts indésirables que peuvent avoir sur leur personnalité ou leur développement certaines œuvres cinématographiques ».

« Le Canard enchaîné » (n°4536, 03/10/2007) avait classé Quand l’embryon part braconner dans la catégorie « Les films qu’on peut voir cette semaine ». David Fontaine recommandait « ce film choc en noir et blanc de 1966 (...) inspiré de près par le marquis de Sade et sa philosophie de la nature ». « Charlie Hebdo » (Koji Wakamatsu : le sado-maso de la lutte des classe, n°798, 03/10/2007) avait rencontré le réalisateur du film et Jean-Baptiste Thoret écrivait : « La chair féminine comme technique de diversion, puisqu’il s’agit, au fond, d’enregistrer en temps réel les pulsations de l’underground politique du Japon étudiant des années 1960 et 1970 ». Tous deux signalaient alors l’interdiction en salle aux mineurs de moins de 18 ans. « Pareil moral lui vaut, en France, quarante ans après sa sortie au Japon, une interdiction, exceptionnelle, aux moins de 18 ans... » notait David Fontaine. Quant à J.-B. Thoret, il disait de Koji que du fait de « son goût pour la provocation ambiguë (...) l’interdiction aux moins de dix-huit ans de L’Embryon devrait le réjouir ».

Dans leurs éditions du 10 octobre 2007, « Charlie » et « Le Canard » reviennent sur cette interdiction et s’attaquent à la responsable de ce que tous deux nomment la « censure » subie par le film de Koji Wakamatsu : la commission de classification des œuvres cinématographiques. Pour David Fontaine, « [la] violence reste symbolique en comparaison du moindre film d’action américain, et il n’y a aucune scène de sexe explicite qui justifierait directement l’interdiction aux moins de 18 ans. » Jean-Baptiste Thoret cite l’avis de la commission (« L’Embryon présente une image des relations entre les êtres fondée sur l’enfermement, l’humiliation et la domination ») et ironise : « Heureusement, Salo, Eyes Wide Shut, Nuit et brouillard et Belle de jour ne sortiront pas en salles la semaine prochaine. »

Le journaliste de « Charlie Hebdo » explique que la « commission d’experts branquignols » s’est prononcée à « quinze voix contre dix » pour l’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans. Selon « Le Canard », l’un des membres, Norbert Saada, a déclaré à l’issue du visionage « C’est de la merde ! », puis il a traité de « gestapistes » les partisans d’une interdiction aux moins de 16 ans. Les deux journalistes rapportent des propos tenus par Jean-Pierre Quignaux, qui représente l’Union nationale des associations familiales : « Toutes les pseudo-références à Bataille, à Sade, ont été mal assimilées par le réalisateur ». La présidente de la commission Sylvie Hubac, absente lors de la projection, livrait un commentaire au « Canard » avant même d’avoir vu le film : « Dès l’instant où l’interdiction aux moins de 18 ans existe, il faut pouvoir s’en servir... » « Interdit de rire ! », s’exclame David Fontaine.

« Inutile de s’offusquer de cette interdiction, qui, à bien y réfléchir, offre au film de Wakamatsu (...) une publicité inespérée » écrit Jean-Baptiste Thoret, qui préfère « s’interroger sur les motivations idéologiques des membres de la commission, sur le niveau réel des débats qui y ont lieu et, enfin, sur la légitimité de ces « experts ». » Le journaliste de « Charlie » pointe notamment « l’incompétence de la plupart de ses membres en matière d’image et de cinéma » et relève que « seuls deux sièges [sur 28, NDLR] [sont] réservés à des réalisateurs et/ou des critiques ». Parlant des « débats » de la commission (les guillemets sont de J.-B. T.), il regrette « les prises de parole avortées des rares spécialistes (critiques et réalisateurs), aussitôt taxés d’« intellos » et de « cinéphiles ». Pour lui, les discussions de la commission de classification, c’est « la brève de comptoir érigée en décision institutionnelle »...


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