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Rachida Dati invente la protection du secret des sources à géométrie variable

mardi 13 mai 2008, par Charlie enchaîné
mise à jour : jeudi 15 mai 2008

« La presse est sauvée ! », clame Louis-Marie Horeau dans Le Canard enchaîné (« Ça coule de sources ! », 09/04/08), grâce à Rachida Dati, « une ministre autiste (...) qui connaît la presse comme un berger d’Asie centrale connaît la mer ». La raillerie du journaliste fait suite à une déclaration, devant « des dirigeants de la presse », de la garde des Sceaux (« à champagne », selon le sobriquet dont lui affuble désormais l’hebdomadaire satirique), le 2 avril dernier, qui expliquait que son projet de loi sur le secret des sources était un « grand progrès ».

Pierre angulaire

Emmanuelle Veil rappelle, dans Charlie Hebdo (« Contrôle des médias — “22, v’là les journalistes !” », 09/04/08), que c’est Nicolas Sarkozy qui avait promis cette loi « pour mieux garantir le secret des sources des journalistes » lors de son show du 8 janvier 2008 devant la presse. Cette mesure constitue une « vieille revendication de la profession », explique Louis-Marie Horeau, qui ajoute que la législation française en matière de liberté de la presse est en retard par rapport à ce que préconise la Cour européenne des droits de l’Homme. Les deux journalistes notent que le principe de la protection des sources est consacré par la Cour comme la « pierre angulaire de la liberté de la presse ».

Louis-Marie Horeau précise que « la protection des sources n’est pas seulement une exigence corporatiste ». Pour argumenter de sa nécessité, il prend pour exemple la révélation de l’affaire du sang contaminé : « sans protection des sources, personne n’aurait jamais su ce qui s’était passé ». De même, dans Charlie, Emmanuelle Veil écrit que « défendre l’inviolabilité du secret des sources n’a rien d’un réflexe corporatiste », et développe : il s’agit de « la condition d’existence et d’exercice du quatrième pouvoir » et du « socle nécessaire à l’établissement d’une relation de confiance entre les journalistes et les citoyens, tout comme le secret médical l’est dans la relation entre les médecins et les patients ».

Pierre engluée

Jusqu’à présent, le principe de la protection des sources des journalistes se trouvait « à l’article 109 du Code de procédure pénale » [1], rapporte la journaliste. Selon le projet de loi de Rachida Dati, il devrait être « inscrit à l’article 2 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ». « Bravo ! Mais... il y a plusieurs “mais” », tempère Louis-Marie Horeau. En effet, « ce transfert est l’occasion pour le gouvernement de mettre fin à l’inviolabilité du secret », écrit Emmanuelle Veil. Une exception au principe a été introduite par le biais d’un alinéa ; ainsi, les journalistes pourraient être contraints de « divulguer leurs sources d’information » si « un impératif prépondérant d’intérêt public le justifie », la définition du concept d’« intérêt impérieux » étant laissé à la « libre appréciation des juges », constate Le Canard.

Charlie Hebdo en conclut que Nicolas Sarkozy, après avoir affirmé qu’il savait tout ce qui se passait dans les rédactions quand il était ministre de l’Intérieur, « veut [maintenant] tout savoir sur ce qui se passe en dehors ». Quant au Canard, il note amèrement que les autres pays européens ont « presque tous une législation beaucoup plus protectrice que le pays des droits de l’Homme » et rappelle l’épisode de la perquisition avortée du siège de l’hebdomadaire satirique, auquel on peut ajouter la garde à vue de Guillaume Dasquié dans les locaux de la DST. Les journalistes, en particulier les journalistes d’investigation, devront désormais « résister, avec les moyens du bord ».

P.-S.

À (re)lire sur Charlie enchaîné :
- « Perquisition au « Canard enchaîné » : la version du journal »
- « L’affaire Guillaume Dasquié »
- « Le journalisme épris de cour »

Par ailleurs, pour nos lecteurs qui décryptent la langue de Shakespeare, un article, certes daté, mais passionnant, de Mark Hunter, consacré au journalisme d’investigation en France à la fin des années 80 et au début des années 90 : « The Rise of the Fouille-Merdes » (Columbia Journalism Review, 11-12/95).

Ajout du 15 mai. À lire sur internet : « Protection des sources des journalistes : l’entourloupe de la loi Dati » (Plume de presse)

Notes

[1] Article 109 invoqué par Guillaume Dasquié lors de son interrogatoire par la DST.


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