Charlie enchaîné

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Référendum irlandais

Regard amer, regard distancié

jeudi 12 juin 2008, par Charlie enchaîné

Les Irlandais sont appelés à se déterminer ce jeudi 12 juin 2008 : vont-ils accepter ou rejeter le traité de Lisbonne qui leur est proposé ?

(Image satellite © Irish Typepad)

L’amertume d’Oncle Bernard

Dans un court encadré intitulé « Sabordage irlandais » (11/06/08), Oncle Bernard fait part de ses craintes quant à une possible victoire du camp du « non ». Le directeur adjoint de la rédaction de Charlie Hebdo écrit ainsi que « l’Europe risque de prendre un mauvais coup ».

Notant l’unanimité de la classe politique irlandaise en faveur du traité, Oncle Bernard explique que « l’Irlande est le pays qui a le plus profité de l’Europe ». Selon lui, les subventions ont essentiellement été utilisées « pour baisser les impôts et attirer les firmes américaines ».

La mini-chronique de l’économiste se conclut ainsi : « [L’Irlande] a pris le fric, puis mordu la main tendue. Elle a favorisé le dumping fiscal et social dans une Europe qui n’en avait pas vraiment besoin. Le non au référendum sera le trou dans la coque du bateau qui fera couler le passager clandestin ».

« Ireland to Win »

© Annie in Beziers

L’ironie de Jean-Luc Porquet

Le journaliste du Canard enchaîné Jean-Luc Porquet, apprécié de son confrère de Charlie Hebdo, consacre sa chronique hebdomadaire Plouf ! à l’« Irish conflit » (11/06/08). Rapporter cette chronique toute teintée d’ironie serait un exercice périlleux. C’est pourquoi, exceptionnellement, nous la reproduisons in extenso ci-dessous.

Mais ils sont fous, ces Irlandais ! D’abord ils ne sont que 4 millions : que pèsent-t-ils en face des 500 millions d’Européens ? Ensuite, ils doivent tout à l’Europe : leur enrichissement des quinze dernières années, des subventions comme s’il en pleuvait, des aides agricoles miraculeuses... Ils devraient dire merci, non ? Voter des deux pieds oui au référendum ce jeudi 12 juin ! Ratifier dans la joie le traité simplifié (dit de Lisbonne) qui reprend en gros la même Constitution que ces crétins de Français et de Néerlandais avaient eu le front de refuser voilà deux ans... Mais non : les derniers sondages sont ric-rac. Les Irlandais pourraient voter non. Un, parce qu’ils ont peur que les grosses boîtes américaines qui se sont installées chez eux pour cause d’impôts très légers ne déguerpissent ; deux, parce qu’ils ne comprennent rien à ce texte incompréhensible, et du coup s’en méfient terriblement. Des 27 peuples de l’Union, ce sont les seuls à être consultés : à peine se sont-ils mis à rechigner que la panique a gagné Bruxelles et toutes les capitales européennes...

Tout était vissé, pourtant, et Sarkozy, à l’initiative du traité simplifié, jubilait : dans 26 pays sur 27, les gouvernants avaient pris soin de ne pas consulter le populo, mais de faire voter les parlementaires. Lesquels, on le sait, sont sages, avisés et donc ouiouistes. En France, par exemple, sénateurs et députés ont ratifié le traité comme un seul homme en février dernier. Mais comme la Constitution irlandaise, par une incompréhensible aberration, impose de consulter les Irlandais sur ce genre de texte qui engage l’avenir du pays et sa souveraineté, le même procédé pratique de contournement du populo n’a pas pu être utilisé. D’où ce suspense intolérable...

Que faire en cas de victoire du non ? « Il n’existe pas de plan B », a dit Manuel Barroso, patron de la Commission. Et même pas de plan C. En plus, ça tomberait très mal pour Sarkozy : juste au moment où il va se mettre à présider l’Europe pour six mois ! Ce serait désastreux, question com’ : comment pourra-t-il expliquer à la planète entière que l’Europe est à l’avant-garde de la démocratie, et regarder en même temps ce fait dérangeant : les Irlandais, seul peuple consulté, vote non ? Impensable, impossible.

Du coup, Bruxelles a prévu de faire comme si de rien n’était. De ne pas tenir compte du non irlandais (si jamais). Il suffira de faire comme en 2001. À l’époque, s’en souvient-on, les mêmes cabochards d’Irlandais avaient rejeté le traité de Nice. Et Bruxelles leur avait tapé sur les doigts : chers Irish, vous avez mal compris, on ne vous a pas assez expliqué les choses, vous n’êtes (avait élégamment affirmé Védrine) qu’un « accident de parcours », on va vous expliquer bien, et vous allez revoter, et voter oui, cette fois. Et le plus drôle (drôle ?), c’est que les Irlandais s’étaient exécutés l’année d’après.

C’est étonnant : on ne cesse de nous le répéter, voter c’est sacré, c’est l’essence de nos démocraties, c’est l’acte politique déterminant par lequel s’engagent les vrais citoyens. Mais pas toujours.

« Ireland can Do Better Vote NO ! »

© infomatique

P.-S.

Sur le même thème : « Non à la souveraineté du peuple irlandais ».

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