Charlie enchaîné

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Reprogrammation

mercredi 25 avril 2007, par Chantal Sayegh-Dursus

Pouvons nous sauvegarder certains fichiers ? Arrêter le compte à rebours ? Ou, est-il, déjà, trop tard ?

Ce matin un ami m’a envoyé un courriel. "Aidez-moi à sauver le monde". Je n’ai pu que lui signer un chèque...

Les machines s’étaient emballées et des virus inconnus avaient déréglé l’ensemble des programmateurs. Il fallait réparer et inverser, d’urgence, toutes les séquences.

La pollution était extrême, les nappes phréatiques complètement souillées, les semences toutes contaminées et non régénérables. Les déserts s’étendaient d’heure en heure, et les pôles, eux-mêmes en souffrance, ne régulaient plus rien. Les cétacés avaient commencé à s’échouer, le long des différentes côtes. Des énergies fossiles empuantissaient l’atmosphère. Des déchets radioactifs, enfouis dans des terres vierges, remontaient en surface, sous l’effet des oxydants. Les peuples développés exterminaient ceux qui représentaient un frein à leur propre développement. Les hommes de la terre s’entretuaient et les régulateurs naturels étaient devenus inopérants. La raison ne régissait plus le monde.

Il importait de tout reprogrammer. Les quelques instants d’éternité où il avait détourné les yeux, tout avait dégénéré.

D’abord nettoyer, ensuite extirper, puis réparer et, enfin, reconstruire.

Le nettoyage avait commencé, des trombes d’eau s’abattirent sur des régions habituellement préservées, les dérivateurs magnétiques rendirent fous les hommes et les machines, des accidents survenaient pour des types de transports statistiquement fiables. Tout ce qui était électromagnétique se dérégla. Des volcans entrèrent en éruption, effaçant des régions entières. Des trombes d’eau, des tornades, des cyclones et des ras de marée balayèrent la planète. Des séismes importants modifièrent la carte du monde. Des régions, naguère prospères, étaient, maintenant, inexistantes. De nouvelles terres surgissaient de la mer.

Tous les acides et toxines déversés dans les eaux et les sols devaient être extirpés et éliminés, car ils gênaient la reconstruction. Des souvenirs anciens furent rappelés à la mémoire afin que commençât la réparation. Quelques écologistes, en campagne politique, avaient gardé dans leurs poches leurs petits calepins et des schémas d’énergies renouvelables qui, vu leurs tailles, ne les avaient pas quittés pendant le grand nettoyage. Ils furent considérés comme les annales du monde nouveau, afin que la terre soit, enfin, purifiée.

Des moyens naturels d’élimination et de décantation des déchets toxiques furent mis en œuvre, à très grande échelle. Toute la connaissance issue du passé n’avait plus aucune utilité dans l’état actuel du monde. Les énergies anciennes ne pouvaient plus être réutilisées, bien que leur mode d’exploitation restât, encore, comme des vestiges d’un passé révolu, dans la mémoire de ceux qui les avaient exploitées.

Les semences non génétiquement modifiées ressurgissaient, partout, en cette terre nouvelle et allaient permettre de nourrir la multitude. La reconstruction allait pouvoir commencer. Les énergies renouvelables, nécessitant moins de moyens, s’imposèrent.

Les titres de propriété n’avaient plus d’assise dans ce monde nouveau, complètement remanié. À qui appartiendraient les nouvelles terres surgies de la mer et à qui appartenaient les crevasses et les pics issus des séismes où se trouvaient les anciens mondes ?

Les survivants se partagèrent, équitablement, cette nouvelle terre, selon les besoins de chacun. Les constructions furent modifiées, afin que, ni séisme, ni vent violent, ne puissent les annihiler en un clin d’oeil.

En vérité, comme les avait vues Mary Summer Rain, rondes, trapues, ramassées sur elles-mêmes, et bien ancrées et enfouies dans le sol, réalisées en matériaux et fibres naturelles.

Les animaux mouraient de vieillesse.

Toute violence, toute âpreté, enfin tout crime avaient déserté la terre.

© Propriété intellectuelle sécurisée.


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