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Remous

Sarkozy rattrapé par une transaction immobilière douteuse

mercredi 28 février 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : dimanche 30 septembre 2007

Annoncée la veille de sa parution dans la majorité des médias, une enquête du « Canard enchaîné » (28/02/2007) provoque des remous dans la grande mare de la campagne présidentielle. Mais les analystes ont oublié de lire l’accusation entre les lignes.

La réaction n’a pas tardé puisque le journal n’était même pas dans les kiosques que le candidat UMP se déclarait « blessé » par les informations de l’hebdomadaire qu’il juge « outrancières » [1], alors que son entourage montait au front dès le lendemain pour contester la révélation du « Canard » et tenter de minimiser sa portée.

Les faits

De quoi s’agit-il ? Extrait de l’article publié sur le site Web du « Monde » (27/02/2007), qui donne le ton de l’affaire :

Nicolas Sarkozy a, selon Le Canard enchaîné, bénéficié d’un rabais d’au moins 300 000 euros lors de l’achat de son duplex à Neuilly en 1997. Le candidat de l’UMP a acheté son appartement au promoteur immobilier Lasserre, le "promoteur favori de la mairie de Neuilly", affirme l’hebdomadaire dans son édition du mercredi 28 février.

[...]

Selon l’hebdomadaire satirique, qui paraît mercredi, Nicolas Sarkozy a acquis l’appartement situé sur l’île de la Jatte à un prix de 12 à 35 % moins élevé que ceux constatés lors de transactions réalisées au même moment dans la même résidence. Le Canard enchaîné a effectué des recherches à la conservation des hypothèques, pour estimer les prix dans la résidence concernée en 1997.

M. Sarkozy a en outre bénéficié de travaux restés à la charge du promoteur pour un montant de 925 000 francs (140 000 euros environ), auxquels s’ajoutent 500 000 francs (76 000 euros environ) de ristourne sur d’autres travaux d’aménagement, ajoute l’hebdomadaire.

Quand, en novembre 2006, le couple Sarkozy a revendu le duplex pour 1,94 million d’euros, il a réalisé une plus-value de 122 %, selon Le Canard enchaîné.

Que dénonce le « Canard enchaîné » ?

Nicolas Sarkozy est une cible privilégiée du « Canard », ce n’est pas un secret. S’étonner de la publication de cette enquête, signée Nicolas Beau et Hervé Liffran, paraît quelque peu... étonnant ! Le ministre de l’Intérieur a déclaré, alors qu’il était en déplacement à Madrid, qu’il n’avait pas l’intention de poursuivre le journal en justice [2], attitude surprenante pour un avocat de métier sûr de son fait.

Mais les analystes semblent être passés à côté de l’essentiel et ont oublié de lire entre les lignes. Si le « Canard enchaîné » consacre une page entière à cette affaire, c’est pour dénoncer la connivence entre un élu (Nicolas Sarkozy, maire de Neuilly au moment des faits qui lui sont reprochés) et un promoteur immobilier (le groupe Lasserre, qui dément également [3]).

L’édile de la ville a, selon l’hebdomadaire, profité de sa position pour faire réaliser, à moindre coût, des aménagements dans son futur logement (très bien) situé sur le territoire de sa commune, et il a également fait profiter la société immobilière de dérogations afin de réduire le coût de construction des immeubles de l’île de la Jatte. C’est principalement ce mélange des genres que le journal pointe du doigt, mais qui est curieusement absent des analyses médiatiques.

P.-S.

Hervé Liffran et Nicolas Beau, auteurs de l’article, ont été sollicités respectivement par Anna Borrel (marianne2007.info, 28/02/2007) et Bérénice Rocfort-Giovanni (nouvelobs.com, 28/02/2007).


Interview d’Hervé Liffran

Vous avez révélé que Nicolas Sarkozy avait acheté son appartement de Neuilly à un prix bien plus bas que ceux du marché. Le ministre dément en bloc, exemples à l’appui…

L’affaire est tout à fait simple : nous avons donné des prix qui sortent de la Conservation des hypothèques, lieu où sont déposés les actes des notaires. Ce sont des prix officiels. Nicolas Sarkozy évoque deux appartements du même immeuble vendus à des prix similaires, mais je ne sais pas d’où il sort ces prix. Soyons sérieux ! A quelles ventes fait-il référence ? Est-ce que ce sont des appartements de même surface, de même confort ? Est-ce qu’ils ont vue sur un mur, est-ce qu’ils jouissent d’un parking ou d’un jardin ? Et surtout : à quelles dates ont été effectuées ces transactions ? Le prix n’est pas le même en 1995 qu’en 1997. Rien n’est précisé, on ne sait pas de quoi il parle.

Nicolas Sarkozy a également déclaré : « Depuis dix ans, tous les journalistes d’investigation enquêtent sur moi ». Selon lui, tout ce qui pouvait être découvert sur lui a déjà été passé au peigne fin…

Je vous rappelle que Nicolas Sarkozy est le seul candidat qui n’a pas déclaré le détail de son patrimoine. Il y a environ un mois, la question lui a été posée par la presse : il n’a pas répondu, alors que tous les autres candidats se sont prêtés au jeu. Vendredi dernier, nous lui avons adressé un courrier pour lui demander des précisions sur ses opérations immobilières concernant cet appartement de l’Ile de la Jatte à Neuilly : Claude Guéant, son directeur de campagne nous a répondu, comme nous le racontons dans Le Canard enchaîné, que « la lettre avait été égarée » !

Quel est l’enjeu de ces révélations ? Pourraient-elle avoir des suites judiciaires ?

Quand vous avez un candidat qui répète qu’il veut une « république exemplaire », le jour où il a une casserole, forcément, ça fait mal. Les autres révélations que nous faisons concernent le groupe Lasserre, qui a bénéficié de nombreux marchés grâce à la mairie de Neuilly. Evidemment, nous n’avons pas vocation à jouer les juges. Des esprits facétieux pourraient trouver des qualifications pénales à ce genre de choses. Mais je doute qu’un magistrat n’ouvre un tel dossier à la veille de la présidentielle. Peu s’y risqueraient. Même si ce serait très amusant !


Interview de Nicolas Beau

Selon Nicolas Sarkozy, la Direction des Services Fiscaux des Hauts-de-Seine a vérifié la conformité du prix de son appartement par rapport à ceux du marché. Comment, dans cette mesure, peut-on avancer que Nicolas Sarkozy a bénéficié d’un rabais ?

Le prix de vente de l’appartement acquis par Nicolas Sarkozy était effectivement conforme à l’ensemble des prix pratiqués dans l’île de la Jatte. Mais, au sein du complexe, le duplex de Nicolas Sarkozy était le moins cher alors qu’il était de grand standing. C’était aussi l’appartement le mieux exposé de l’immeuble. Les disparités de prix se situent donc au niveau de la résidence. En ce qui concerne les travaux, Nicolas Sarkozy n’en a payé qu’une partie. L’escalier qu’il affirme avoir financé n’est qu’un élément parmi toutes les rénovations entreprises. L’acte de vente stipule qu’une partie des travaux était comprise dans le prix de vente, mais des frais supplémentaires se sont ajoutés à la note globale prévue initialement. Les factures de l’époque distinguent un décalage.

Quelles relations entretenait Nicolas Sarkozy avec le promoteur Lasserre ? Et avec le Conseil général des Hauts-de-Seine ?

Nicolas Sarkozy était très proche du couple Lasserre et de leur fils, qui a eu un accident mortel en 1996. Le cabinet Lasserre a bénéficié, en 1994, d’un contrat très avantageux à Neuilly, les permis de construire étant adressés par la mairie. En 2004, le Conseil général des Hauts-de-Seine a, lui, fait bénéficier la copropriété, dont Nicolas Sarkozy faisait partie, d’un terrain de 240 mètres carrés offert pour un euro symbolique.

Pourquoi ces informations ne sont-elles publiées que maintenant ? Peut-on s’attendre à d’autres révélations ?

On n’a pu disposer de ces renseignements que récemment, c’est pourquoi ils ne sont publiés qu’aujourd’hui. Nous nous réservons le droit de poursuivre notre enquête, je ne peux pas vous en dire plus.

Notes

[1] « Je conteste formellement les allégations d’un article que par ailleurs je n’ai pas vu, qui n’a comme seul objet que de me salir. » (lemonde.fr, 27/02/2007)

[2] « J’ai produit tous les éléments qui sont nécessaires, mais vraiment, ramener une campagne électorale à ça, c’est triste pour ceux qui le font », a lancé le ministre de l’Intérieur à l’issue du Conseil des ministres, expliquant qu’il ne comptait pas porter plainte contre le Canard Enchaîné. (lefigaro.fr, 27/02/2007)

[3] L’ex-dirigeante du groupe Lasserre, principal promoteur de Neuilly, affirme que ni "une quelconque remise" ni des "largesses sur les travaux d’aménagement" n’ont été consenties au ministre lors de l’achat d’un appartement en 1997. (nouvelobs.com, 28/02/2007)


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