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Débats présidentiels

Serge Moati livre des anecdotes

mardi 8 mai 2007, par Charlie enchaîné
mise à jour : dimanche 30 septembre 2007

Dans un long entretien à « Charlie Hebdo » (02/05/2007), l’animateur de « Ripostes » raconte quelques moments vécus croustillants. En voici quelques extraits.
Mots-clés : 2 mai 2007, Serge Moati

Serge Moati a notamment été très proche de François Mitterrand et le conseillait pour le débat qui l’opposait à Giscard d’Estaing en 1981 :

Quand je me suis retrouvé seul avec Mitterrand dans la loge, juste avant le débat, il se regardait dans le miroir et j’ai commencé à lui parler de mon père, qui avait été un Juif résistant, socialiste, déporté en camp de concentration. (...) Mitterrand me fit alors parler de [lui] (...) : « Vous savez, on ne parle pas uniquement pour les vivants, mais aussi pour les morts, ceux qui auraient aimé être là et qui n’ont pas connu de victoire de gauche. Vous ne pouvez pas le savoir. C’est important que vous le sentiez. » Je le pensais de tout mon cœur et j’étais ému en disant ça. Lui avait les yeux qui commençaient à s’humecter de larmes... Arrivent les conseillers, les politiques, qui le voient dans cet état et commencent à m’accuser. Il a dit : « Laissez-le, il a dit exactement ce qu’il fallait me dire. »

Toujours à propos de ce débat :

Mitterrand ne voulait pas serrer la main de Giscard. Il me dit que c’est parce qu’on ne peut pas détester quelqu’un à qui on vient de serrer la main. Je devais donc marcher devant lui pour faire écran. Giscard me pousse et lui tend la main. Regard noir de Mitterrand vers moi. Et puis, il s’assoit et, comme il y a un verre d’eau posé devant lui, il me dit doucement : « Mais c’est quoi, cette eau ? Vous n’avez jamais pensé qu’on aurait pu mettre une petite poudre pour que, pendant le débat, je m’assoupisse ? » Il mime tout ça en parlant entre ses dents (...).

« Totalement parano... » suggère « Charlie », à quoi Moati répond : « Bah, oui, c’était un ancien minitre de l’Intérieur. » À propos d’un autre ancien ministre de l’Intérieur, le journal lui demande ce qui est ressorti de son entretien avec Sarkozy. Son « extraordinaire réactivité » :

Il commence par me dire : « Pourquoi vous ne m’aimez pas ? » Il est constamment dans la réaction. À un moment, je fais des gestes avec la main, comme souvent quand je parle, et il me demande en me tapant sur le doigt pourquoi je le pointe comme ça. Tout était suspect pour lui. Il sentait que je voulais le mettre en scène et il voulait être le seul juge des choses.

Quant à Ségolène Royal—qui a elle aussi pointé du doigt son concurrent lors du débat télévisé qui les opposait le 2 mai 2007 (« Calmez-vous et ne me montrez pas du doigt avec cet index pointé ! »)—, elle « avait décidé d’être un fois pour toutes souriante, et je ne pouvais pas, moi, sourire constamment. » :

Donc il y eut quelque chose de très étrange pour moi, un sentiment d’irréalité. (...) Par moments il fallait laisser Ségolène dans une sorte de rêverie sur elle-même. Elle m’a paru très étrange.

En 1995, Serge Moati s’était également occupé de la campagne de Lionel Jospin, et était présent pour le débat qui opposait ce dernier à Jacques Chirac :

Il était très sympa, mais il n’écoutait pas. Il était content de faire le débat, et c’était comme si ça lui suffisait. Il arrive avec un pantalon trop court qui lui tombe aux mollets. Il envoie d’urgence son chauffeur chercher un pantalon. L’autre ne le trouve pas et revient avec un pantalon encore plus court. Il est 20h20. Il me demande. « On va entrer sur le plateau et tu vas marcher devant moi », me dit-il. On a traversé le plateau comme une sorte de créature à deux têtes, avec lui qui marchait derrière moi, dans mes pas. Une fois qu’il s’est assis, on a vu que son pantalon lui arrivait au-dessus des mollets. C’était ridicule. À ce moment, on entend un technicien : « Effet stroboscopique sur la cravate de Chirac. » Or j’avais toujours avec moi un sac plein de cravates. Je m’approche de Chirac avec mes cravates, et là je suis plaqué par Claude Chirac, qui crie : « N’approchez pas de mon père ! » J’étais cerné : Jospin me regardait avec un regard noir m’accusant de traîtrise, tandis que Claude Chirac me plaquait...

Enfin, « Charlie Hebdo » a interrogé Moati sur son rapport avec Le Pen. « C’est un personnage qui m’intrigue. Il représente tout ce que je ne suis pas. » Le journal lui reproche alors de « le rendre désirable pour un spectateur électeur », à quoi il répond : « Comme quoi j’ai merdé, alors... »


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