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Dilemme

samedi 16 mai 2009, par Chantal Sayegh-Dursus

La Bourse était encore fragile et les cours vacillants. La croissance mondiale essoufflée par le surendettement des nations ne trouvait plus de débouchés pour écouler des denrées, des services et des biens, à des prix pourtant de plus en plus compétitifs. Dans les pays commanditaires, les emplois et les salaires avaient littéralement fondu. Car le travail s’expatriait chaque jour d’avantage vers des contrées où le coût de la main-d’œuvre locale était plus attractif. Donc, le panier de la ménagère ne contenait plus que des produits dits de première nécessité.

C’était la troisième campagne marketing de la saison. Les boîtes-aux-lettres avaient été inondées, les canaux hertziens saturés, les spots publicitaires parasitaient les écrans cathodiques, des spams bloquaient les portables informatiques et téléphoniques. Mais rien n’y avait fait.

Donc, pour maintenir les bénéfices, de nouveaux emplois avaient été supprimés et la recherche de pays encore plus pauvres, permettant d’appliquer des prix encore plus bas, avait été effectuée. Mais ces produits manufacturés en nombre, bien qu’au coût minimum, ne pouvaient être achetés par ces nouveaux pays producteurs dont les salaires hebdomadaires représentaient sept dix-millièmes de ceux versés dans les anciens pays développés.

Déclic

Travailler beaucoup pour ne rien gagner avait changé le comportement des ménages. Et les denrées de la société de consommation d’hier s’étaient transformées en surplus invendables. Les pelouses se virent remplacées, peu à peu, par des potagers et des vergers, les surproductions troquées, l’énergie solaire redistribuée et partagée, les biens échangés, les télévisions et les véhicules automobiles loués, les anciens vêtements relookés, customisés. La solidarité remplaçait désormais la défaillance des États à pourvoir au bien-être de chacun.

Et ce fut la fin de la civilisation des gadgets et du développement effréné. La société post-industrielle était enfin née. Et c’était fort bien, car toute ère a une fin et celle-ci avait épuisé son temps. Le dilemme posé par le réchauffement climatique était finalement résolu.

L’instinct de tout être vivant, en induisant ses propres limites, avait encore prouvé l’intelligence de l’espèce à œuvrer à sa propre survie.

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